Chronique

d’une enfance inachevée
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 Jacqueline Corbisier
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
           Chronique

d’une enfance inachevée
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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                                             IDDN.FR.010.0107322.000.R.P.2006.035.40000
 
 
 
 
Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2006

 
 

 

 

 

 


 
  Je voudrais remercier Ivan Greindl pour l’aide précieuse qu’il m’a apportée par ses encouragements, ses idées et suggestions et ses corrections du manuscrit ; pour sa patience également, face à mon impatience et  par le fait d’y croire, lui aussi.

 

 


                                                                           

 

 

                                                                         Préambule
 
 
 Pour démêler l’écheveau des souvenirs, il faut en défaire les nœuds.

Faisons d’abord la connaissance des personnages : les destins entrecroisés de ceux-ci tissent la trame d’une vie hors des sentiers battus ; les années défilent et l’héroïne fixe au canevas ainsi ébauché, les événements et anecdotes gravés dans sa mémoire.

                                                                                 
 
 
 
                                                                                     1914
 
 
 
   Comptable et heureux de vivre, Jules, se retrouva mobilisé comme caporal mais fut bientôt capturé par les Allemands.

 

  Lors d’un interrogatoire, le sourire aux lèvres, il répondit aux questions en imitant la voix de son interlocuteur, faire rire un officier allemand ne l’empêcha pas d’être envoyé dans un camp de prisonniers.

Là, ses dons d’imitateur le firent bientôt surnommer « Chules, le gopieur » par ses geôliers.

 

  Le colonel responsable du camp lui demanda de mettre sur pied une animation avec d’autres prisonniers, des ‘huiles’ en avaient prévu l’inspection. Le colonel voulait leur faire bonne impression en terminant la journée en beauté.

 

  Jules allait ainsi profiter d’une plus grande liberté de mouvement.

 

  Le grand jour arriva le spectacle battait son plein. Profitant de l’inattention des gardiens et d’un uniforme récupéré pièce par pièce à la lingerie, il s’évada. Vite repris, il fut affecté au creusement de tranchées.

 

  Avoir été rattrapé ne le découragea pas. Avec humour, il dit à ses compagnons de chambrée — « Ach, ga cela ne dienne, che trouferai autre chôôss ! »

 

  Meneur d’hommes, rebelle dans l’âme, il en vint un soir à persuader les autres prisonniers de jeter pelles et brouettes dans la tranchée afin de saboter la mise en place des soldats ennemis pour la nuit.

 

 

 

 

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Ce sabotage entraîna un désordre considérable, Jules profita de la cohue générale pour s’évader une seconde fois !
 
   A nouveau repris, il ne s’en tira plus cette fois avec une pirouette, il fut affreusement torturé et conduit à l’hôpital entre la vie et la mort.

 

 A son réveil, une vision angélique, un regard attendri était posé sur lui, celui d’une jeune femme grande, belle, aux yeux bleu et aux cheveux blonds relevés en chignon.

 

  Dans une demi-conscience, Jules lui demanda son nom. — « Flore », lui dit-elle. Il referma les yeux et s’endormit le sourire aux lèvres. Malgré le visage tuméfié du blessé, ce sourire éveilla en elle une sourde émotion ; elle ne se doutait pas qu’il allait changer sa vie.

 

 Jules aimait les femmes ; en voir une à son chevet, belle de surcroit lui redonna le goût de vivre.

 

  Flore était une jeune fille très sage, issue d’une famille aisée, propriétaire d’une usine de traitement de lin au cœur des Flandres. Le spectacle de tous ces blessés gisant sur leurs brancards l’avait poussée à se proposer comme aide-soignante à l’hôpital le plus proche.

 

 Durant les six mois où Jules fut hospitalisé, elle lui prodigua ses soins attentifs, consacrant bien vite plus de temps au fier caporal qu’aux autres blessés. Pitreries, imitations, blagues, tout lui était bon pour attirer l’attention de sa belle. Infirmières et médecins sortaient souvent hilares de la salle commune.

 

  Jules ne put cacher longtemps à Flore son attirance. Leur amitié ne tarda pas à se muer en amour. Par timidité ou peur de paraître romanesque, c’est en imitant la voix du médecin-chef que Jules lui déclara sa flamme, la trouvant « la plus belle des fleurs qui ornent un jardin ».

 

 


                                                                                      12

 

 


   Quand il fut rétabli, l’Occupant ne manqua pas de lui remettre la main au collet et de le renvoyer à ses tranchées !

 

  Jules fit à Flore le serment de la revoir « très vite ». Aussi, peu de temps après, poussé par son amour et son irrésistible désir de liberté, il s’évada à nouveau.

 

 Cette troisième tentative fut la bonne, les envahisseurs ne découvrirent jamais sa cachette dans l’église de Wervik. Bravant le danger, les amoureux se retrouvaient dans le clocher et, tendrement enlacés, rêvaient de paix et d’avenir. Jules parvint à faire oublier à Flore qu’elle était sage…

 

 Après la guerre, il reprit des études d’expert-comptable. Il épousa Flore le 3 mai 1920. De ce mariage d’amour, naquirent trois enfants : Renée, Raymond et la petite dernière, Micky.

 

 


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                                                                                      13

 

 

 

 


 
 

 


 
                                                                                    1935
 
 
 
  Armand, de son côté, était Ingénieur des Ponts & Chaussées. Il avait deux enfants, Vony et Henry.

 

  Après avoir épousé Margot en deuxièmes noces, il décida de se consacrer à un projet passionnant et grandiose, une route reliant le Maroc au Congo Belge. Le financement de l’entreprise était assuré par les gouvernements des pays concernés.

 

  Après de longs préparatifs, ils partirent pour l’Afrique, emmenant avec eux le matériel et les hommes nécessaires à la réalisation de ce chantier titanesque.

 

 

 

 



                                                                                    15
 
 
 
                                                                                   1943
 
 
 
   Frontière Franco-Belge. Les sirènes d’alerte hurlent ; le personnel de l’usine de traitement de lin descend aux abris.

 

  Soudain, le silence… Pendant un long moment, aucun bruit ne filtre.  L’attente fait place à l’angoisse.

 

  Mais bientôt, des sifflements menaçants se font entendre, suivis de terribles explosions. La guerre, la mort, ont choisi leurs proies.

 

 Quand tous sortent des abris, l’usine de traitement de lin brûle, incendiée par les bombes.

 

 Aux alentours, les rescapés fouillent les décombres des maisons éventrées. Une foule d’innocents se retrouve sans toit, sans travail.

 

 Certains ont perdu un être cher ; le temps d’une mortelle déflagration, leur vie a basculé. En une seconde, la famille qu’ils aimaient, l’avenir dont ils rêvaient, pour nombre d’entre eux, il n’en restait plus rien ; c’est le néant.

 

 Si la famille de Micky n’a pas échappé à ces tragiques évènements, par chance aucun de ses membres n’a perdu la vie. Cependant la maison familiale est endommagée, l’usine détruite, la famille ruinée.

 

 Jules se lança alors dans le marché noir. Malgré les risques encourus, il ne se débrouilla pas trop mal.

Le fruit de ce petit commerce lui permit de procéder aux réparations urgentes de la maison. Peu après, il cacha certains fuyards dans une cave de la maison.

 


                                                                                     17
 


De l’autre côté de la Méditerranée, loin des bombes, des explosions, des soldats ennemis, des arrestations arbitraires, de la folie anti-sémite, les chantiers d’Armand progressaient bon train. Sous un soleil de plomb, son équipe traçait la nouvelle route reliant le Maroc au Congo.
 
Passent les semaines, les mois, les années…

 

 

 

 

 

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                                                                                     19
 
 


 
                                                                                  1946
 
 
 
  L’équipe d’Armand était enfin parvenue au Congo. La ténacité de son chef avait vaincu les obstacles ; les travaux avaient progressé selon les plans.

 

 Armand avait été contraint d’abattre de très nombreux arbres, il s’efforçait d’éviter dans la mesure du possible, la construction de ponts, se doutant que l’entretien futur du réseau routier serait illusoire.

 

 Le travail était pénible, les journées longues. La main d’œuvre locale, difficile à trouver, se montrait peu disposée à travailler dur « Pourquoi changer la piste en route ? »

 

 Les tribus rencontrées trouvaient en effet l’entreprise inutile « Les animaux iront plus loin, les chasser sera plus difficile. De toute manière, la piste menait leurs pas là où ils devaient aller… »

 

 — « Pourquoi, » demandait l’un des Chefs, « les Blancs ont-ils toujours envie de travailler autant ? Nous avons de l’eau, ici, pour manger, il nous suffit de tendre le bras vers les fruits, le maïs et la canne à sucre poussent bien, les chèvres nous donnent du lait ; nous élevons des poulets et nous chassons le gibier pour sa viande. Nos femmes préparent le manioc, vont aux champs et nous donnent des enfants… La vie est douce chez nous ! Si nous sommes malades, le sorcier va en brousse pour y chercher des herbes. Pourquoi vouloir toujours aller plus loin ? »
 

 

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  Mais Armand persévérait inlassablement dans sa mission. Son rêve, il y travaillait tous les jours. En outre, il

achetait à d’excellentes conditions de grandes étendues de terre au Kivu et ailleurs, dans le but d’y créer plus tard des plantations de café et de maïs.

 

 Il réinvestissait toutes ses économies dans ce pays magnifique où tout était à faire, à créer.

 

 Cet homme entreprenant, actif, aimait le climat, la nonchalance des habitants, la joie de vivre qu’il décelait dans leur regard, ils l’exprimaient si bien dans leur musique, leurs danses et leurs chants.

 

 Il s’amusait aussi de leur naïveté, à la vue d’avions se posant sur un chantier, les indigènes le baptisèrent

« oiseaux de fer ».

 

 Le ‘virus’ de l’Afrique avait atteint Armand au cœur pour toujours.

 

 Aux abords de Léopoldville, à Binza, il construisit une grande maison. Il y faisait bon vivre, aux côtés de Margot. Pour Armand, c’était décidé, il y finirait sa vie.
 


  Au pays, la guerre était enfin terminée ; l’Europe pansait ses plaies, se reconstruisait lentement grâce au plan Marshall.

 

 L’usine de la famille de Flore n’avait pu être reconstruite faute de crédits. Dans une des pièces de la maison partiellement restaurée, Jules avait ouvert un cabinet d’expert-comptable.

 

 Dans le reste du rez-de-chaussée, transformé en magasin, Flore avait installé une mercerie.

 

 Vestige isolé du passé, le piano demi-queue monté sur roulettes trônait encore dans le magasin ; ni Jules, ni sa femme ne pouvaient se résoudre à le déménager, trop de souvenirs y étaient attachés. Souvent, Jules passait devant en riant tout seul — « Ach… che les ai bien eus ! ».

 

 

 

 

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                                                                                 20

 

 


  En déplaçant quelque peu le lourd instrument, on libérait en effet le tapis qui masquait une trappe accédant à la cave par un escalier. Durant la guerre, soldats alliés, civils juifs et autres fugitifs y avaient trouvé abri et ne furent jamais découverts par les Allemands.
 
  Les efforts conjugués de Jules et Flore leur assuraient une certaine aisance ; ils subvenaient aux besoins de leur petite famille, donnant même quelques fêtes, comme il était de bon ton de le faire après la guerre, respect des traditions, du « sang bleu », goût du panache…

 

 Flore en effet, était assez fière de descendre de la lignée des Bourbon. Ses origines remontaient à 1383, elle ne manquait pas de le souligner en toute occasion.

 

 Parler de ses racines lui réchauffait le cœur ; on excusait de ce fait ses attitudes qui auraient pu sembler hautaines.

 

 En réalité, Flore était une dame charmante, pleine de délicatesse et d’amour pour son prochain, la guerre l’avait contrainte à plus d’humilité, l’obligeant à quitter un train de vie aisé pour des conditions plus laborieuses.

 

 Leurs trois enfants avaient choisi des voies bien différentes, Raymond s’était tourné vers la profession d’architecte.  A la fin de la guerre, Renée, devenue infirmière, épousa un militaire américain. Elle le suivit à Dallas, où ils devinrent les heureux parents d’une petite fille.

 

 Micky avait elle aussi suivi des études d’infirmière, à Londres. En dehors de l’internat, des gardes de dernière année en milieu hospitalier et des soirées studieuses, elle trouvait la vie belle, facile. Les fêtes, les amis, les grands projets, un avenir prometteur auprès de Jean, un étudiant brillant, drôle, – un peu petit mais tellement ‘classe’ !

 


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  Elle aimait la vie mondaine et animée des grandes villes. Mais qui connaît le destin ? Un avenir tout autre l’attendait…
 
  Dans la famille d’Armand, son aînée, Vony, trouva un emploi de secrétaire à l’Ambassade de Belgique en Espagne ; elle y rencontra Juan, l’homme de sa vie ; ils se fixèrent à Madrid.

 

 Henry termina des études d’ingénieur, fit son service militaire en Allemagne, – où il rencontra Olga. Cette idylle déplut fortement à Armand.  Sur son ordre, Henry abandonna la jeune fille, – sans oser dire à son père qu’elle était enceinte…

 

 Il rentra donc en Belgique où l’attrait d’un emploi stable lui fit accepter une fonction à l’état.

Mais son goût de l’aventure était le plus fort, il demanda bientôt à être muté en Afrique ; il y rejoignit son père et sa belle-mère.

 

 Après un poste d’inspecteur des travaux publics, Henry, devint fonctionnaire de police.

 

 Il appréciait ses nouvelles fonctions, partageant son temps entre son travail de commissaire, la surveillance des chantiers de son père, les visites des terres acquise par celui-ci, la chasse, la pêche et… des aventures avec de jeunes indigènes.

 

 Bref, une vie assez plaisante, où il assurait son avenir matériel en travaillant du lever au coucher du soleil.

 

 

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